René Char

La parole soulève plus de terre que le fossoyeur ne le peut.

Nous sommes au futur. Voici demain qui règne aujourd’hui sur la terre.

Les femmes sont amoureuses et les hommes sont solitaires. Ils se volent mutuellement la solitude et l’amour.

Il faut souffler sur quelques lueurs pour faire de la bonne lumière.

Nous commençons toujours notre vie sur un crépuscule admirable.

La parole dépourvue de sens annonce toujours un bouleversement prochain.

Comment la fin justifierait-elle les moyens ? Il n’y pas de fin, seulement des moyens à perpétuité.

Avec ceux que nous aimons, nous avons cessé de parler, et ce n’est pas le silence.

Je ne puis être et ne veux vivre que dans l’espace et dans la liberté de mon amour.

Signe ce que tu éclaires, non ce que tu assombris.

Vivre, c’est s’obstiner à achever un souvenir.

L’essentiel est sans cesse menacé par l’insignifiant.

Un homme sans défauts est une montagne sans crevasses. Il ne m’intéresse pas.

L’homme est capable de faire ce qu’il est incapable d’imaginer.

L’impossible, nous ne l’atteignons pas, mais il nous sert de lanterne.

Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience.

Agir en primitif et prévoir en stratège.

L’artiste doit se faire regretter déjà de son vivant !

Quelquefois mon refuge est le mutisme de Saint-Just à la séance de la convention du 9 thermidor. Je comprends, ô combien, la procédure de ce silence, les volets de cristal à jamais tirés sur la communication.

Il n’y a que deux conduites avec la vie : ou on la rêve ou on l’accomplit.