Jean de La Bruyère

Il faut chercher seulement à penser et à parler juste, sans vouloir amener les autres à notre goût et à nos sentiments ; c’est une trop grande entreprise.

La vie des héros a enrichi l’histoire, et l’histoire a embelli les actions des héros.

Il y a de certaines choses dont la médiocrité est insupportable: la poésie, la musique, la peinture, le discours public.

De bien des gens il n’y a que le nom qui vaille quelque chose.

Les femmes s’attachent aux hommes par les faveurs qu’elles leur accordent ; Les hommes guérissent par ces mêmes faveurs.

Qu’il est difficile d’être content de quelqu’un !

L’amour qui naît subitement est le plus long à guérir.

Le sage guérit de l’ambition par l’ambition même.

Il y a des gens qui parlent un moment avant d’avoir pensé.

Ne pourrait-on point découvrir l’art de se faire aimer de sa femme ?

L’amour qui croît peu à peu et par degrés, ressemble trop à l’amitié pour être une passion violente.

L’amitié peut subsister entre des gens de différents sexes, exempte même de toute grossièreté.

La faveur met l’homme au-dessus de ses égaux ; et sa chute, au-dessous.

Un caractère bien fade est celui de n’en avoir aucun.

Un beau visage est le plus beau de tous les spectacles ; et l’harmonie la plus douce est le son de voix de celle que l’on aime.

Un beau-père aime son gendre, aime sa bru ; Une belle-mère aime son gendre, n’aime point sa bru.

L’amour et l’amitié s’excluent l’un l’autre.

Il n’y a pas si loin de la haine à l’amitié que de l’antipathie.

Quelque délicat que l’on soit en amour, on pardonne plus de fautes que dans l’amitié.

Celui qui aime assez pour vouloir aimer un million de fois plus qu’il ne fait, ne cède en amour qu’à celui qui aime plus qu’il ne voudrait.

Le temps qui fortifie les amitiés affaiblit l’amour.

On guérit comme on se console : On n’a pas dans le cœur de quoi toujours pleurer, et toujours aimer.

C’est faiblesse que d’aimer : c’est souvent une autre faiblesse que de guérir.

Cesser d’aimer, preuve sensible que l’homme est borné, et que le cœur a ses limites.