Maurice Druon

Souvent la passion meurt de ce qui l’a fait naître.

l’armée, contrairement à ce qu’on croit, n’est pas une école de pouvoir ; c’est bien davantage un refuge pour les enfances inachevées. Il n’en sort que par rarissime exception un homme d’État.

Trop longtemps porté, le casque déforme la tête.

La bêtise n’interdit pas l’entreprise, au contraire ; elle en masque les obstacles et fait apparaître facile ce qui, à toute tête un peu raisonnante, semblerait désespéré.

Il est toujours plus facile d’être un révolté que d’être une chef.

Il ne faut pas juger avec nos yeux instruits d’aujourd’hui mais avec nos yeux aveugles d’hier.

Les fidélités ne s’obtiennent pas sans bienfaits.

Les hommes politiques mesurent leur pouvoir au nombre des faveurs qu’on vient leur demander.

Les honneurs sans le pouvoir sont les pierres tombales de nos ambitions.

Un homme puissant flatte plus son interlocuteur par une confidence que par un compliment.

Qu’est-ce que le pouvoir ? C’est la réponse à la volonté de chaque individu d’être premier, irremplaçable et constamment prioritaire.

Les soumissions trop aisées doivent toujours être tenues pour suspectes.

La nature est pour l’homme école de sagesse, et qui veille aux moissons sait le prix de la paix.

L’une des qualités les plus nécessaires à l’exercice du pouvoir, en même temps que la plus rarement répartie, est l’aptitude à distinguer le difficile de l’impossible.

Les hommes perdent en pureté ce qu’ils gagnent en puissance. Une source, si transparente soit-elle, ne peut éviter, lorsqu’elle devient fleuve, de charrier des boues et des limons.

Savoir distinguer la servilité de l’obéissance est un des rudiments de l’art de gouverner.

À gouverner les hommes de trop haut, on perd l’habitude de les regarder.

Veiller constamment à nous faire aimer de ceux qui nous servent est une des formes les plus subtiles du combat pour la puissance.

S’imposer sans proposer n’est que funeste orgueil.

Qui veut s’attacher des dévouements passionnés doit veiller à constamment surprendre. Car il s’agit d’occuper l’esprit d’autrui, et l’on n’y parvient jamais mieux qu’en y installant la curiosité et l’incertitude.

Les hommes au pouvoir ne doivent jamais attendre que les sentiments qu’on leur témoigne soient totalement désintéressés. Les gens, lorsqu’ils s’inclinent devant eux, cherchent toujours sur le tapis quelque miette de puissance à y ramasser.

Marcher devant le troupeau ne signifie jamais qu’on cesse d’en faire partie.

Un peuple est toujours responsable des actes de son gouvernement, et même de ceux commis à son détriment.

Une tradition, ce n’est jamais qu’un progrès qui a réussi.