Marguerite Yourcenar

Peu de bipèdes depuis Adam ont mérité le nom d’homme.

On n’est pas libre tant qu’on désire, qu’on veut, qu’on craint peut-être tant qu’on vit.

Tout soldat rencontré dans un lieu désert tourne aisément au bandit.

Tout moment est dernier, parce qu’il est unique.

Un bon négociateur ne fait pas confiance.

Personne ne sait encore si tout ne vit que pour mourir ou ne meurt que pour renaître.

Laissons le choix au Hasard, cet homme de paille de Dieu.

C’est un fait que les morts les plus chers, au bout de quelques mois, seraient, s’ils revenaient, des intrus dans l’existence des vivants.

Le silence est fait de paroles que l’on n’a pas dites.

Qui serait assez insensé pour mourir sans avoir fait le tour de sa prison !

Les villes portent les stigmates des passages du temps, occasionnellement les promesses d’époques futures.

On ne doit plus craindre les mots lorsqu’on a consenti aux choses.

Tout ce qui est beau s’éclaire de Dieu.

Tous nous serions transformés si nous avions le courage d’être ce que nous sommes.

L’emploi qu’un homme finit par obtenir est rarement celui pour lequel il se croyait préparé et dans lequel il pensait pouvoir être utile.

Bien plutôt qu’anthropomorphiser l’animal, l’homme a choisi le plus souvent de sacraliser en s’animalisant.

Quand on aime la vie, on aime le passé, parce que c’est le présent tel qu’il a survécu dans la mémoire humaine.

Il faut toujours un coup de folie pour bâtir un destin.

Je ne me tuerai pas, on oublie si vite les morts.

Le bonheur n’est peut-être qu’un malheur mieux supporté.

C’est au moment où l’on rejette tous les principes qu’il convient de se munir de scrupules.

Il y a une jouissance à savoir qu’on est pauvre, qu’on est seul et que personne ne songe à nous. Cela simplifie la vie.

Ce qui rend la pauvreté si dure, ce sont les privations, c’est la promiscuité.

Nos défauts sont parfois les meilleurs adversaires que nous opposions à nos vices.