Jean Rostand

Il n’est pas de souffrance comparable au sentiment d’une infériorité naturelle.

Chaque souffrance porte en soi sa rancune.

Il est dans la tolérance un degré qui confine à l’injure.

Les gens en savent déjà trop pour leur ignorance.

Soixante ans,Ce déguisement de vieillard qu’il va falloir porter.

Ne pas ajouter à la démence du réel la niaiserie d’une explication.

À combien de ménages ne manque-t-il, pour s’entendre qu’un peu de passion ; à combien d’autres, qu’un peu d’indifférence !

De toutes les amours, les conjugales sont les plus rares et les plus jalousées.

Le mariage est trop décrié pour n’avoir pas beaucoup de bon.

On garde peu de remords des fautes où l’on prit peu de joie.

La modestie témoigne d’ordinaire qu’on a l’orgueil à vif.

Les femmes ne se consolent d’être honnêtes qu’en se répétant sans cesse qu’il ne tiendrait qu’à elles de ne le point rester.

C’est grand dommage qu’on cesse ordinairement d’aimer sa femme avant que d’avoir pu s’accoutumer à elle.

On se marie comme on va au danger, par manque d’imagination.

La difficulté est pareille de vivre avec l’être qu’on aime et d’aimer l’être avec qui l’on vit.

Deux époux doivent se garder de se quereller quand ils ne s’aiment plus assez pour les réconciliations.

Le pire mariage est celui qui chaque jour soude un peu plus deux êtres qu’il sépare chaque jour un peu plus.

Il y a peut-être de notre faute quand nous détestons notre femme, sûrement il y a de la sienne quand nous ne pouvons l’aimer comme nous le voudrions.

Il y a des minutes où notre femme nous paraît si étrangère que nous la trouvons outrecuidante de dire « nous ».

Nous n’aimons point qu’on dise du mal de notre femme, ni trop de bien.

C’est déjà tout à l’honneur d’une femme quand elle donne à son mari le sentiment que le bonheur n’eût pas été impossible avec une autre.

Le mariage, comme la captivité, enrage ou domestique.

Le mariage simplifie la vie et complique la journée.

Toute la vie auprès du même être, c’est long : un des bienfaits du mariage est de nous faire sentir la durée.